Extrait : Il y a des gens qui supposent comme une Vérité incontestable, Qu'il y a certains Principes innée, certaines Notions primitives, autrement appelées Notions communes, empreintes & gravées, pour ainsi dire, dans notre Ame, qui les reçoit dés le premier moment de son existence, & les apporte au monde avec elle. Si j'avais à faire à des Lecteurs dégagez de tout préjugé, je n'aurais, pour les convaincre de la fausseté de cette Supposition, qu'à leur montrer, (comme j'espère de le faire dans les autres Parties de cet ouvrage) que pour les hommes peuvent acquérir toutes les connaissances qu'ils ont, par le simple usage de leurs Facultés naturelles, sans le secours d'aucune impression innée ; & qu'ils peuvent arriver à une entière certitude de certaines choses, sans avoir besoin d'aucune de ces Notions naturelles, ou de ces Principes innée. Car tout le Monde, à mon avis, doit convenir sans peine, qu'il ferait ridicule de supposer, par exemple, que les idées des Couleurs ont été imprimées dans l'Ame d'une créature, à qui Dieu a donné la vie & la puissance de recevoir ces idées par l'impression que les Objets extérieurs feraient sur ses yeux. Il ne ferait pas moins absurde d'attribuer à des impressions naturelles & à des caractères innés la connaissance que nous avons de plusieurs Vérités, si nous pouvons remarquer en nous-mêmes des Facultés, propres à nous faire connaître ces Vérités avec autant de facilité & de certitude, que si elles étaient originairement gravées dans notre Ame.
Essai philosophique concernant l’entendement
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